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REINE D’ARBIEUX

malgré l’heure tardive, l’enseigne d’un hôtel res­tait éclairée, et la porte ouverte sur un vestibule encombré de malles.

Rien de vivant dans ce silence, sinon le ron­flement d’une motocyclette. Entrée dans Bordeaux par une longue rue, bordée de ces maisons basses que les Girondins appellent des échoppes, la machine arrivait à grande allure au centre de la ville et fit une courbe devant l’hôtel.

Quelques instants passèrent. Un domestique de garde, que le bruit avait réveillé, sortant du réduit où il sommeillait sur un divan, aperçut un couple singulier. Il l’observa un moment à la dérobée. L’homme, penché sur sa compagne, une jeune femme en manteau gris, semblait parler avec volu­bilité ; une ou deux fois, elle avait fait le geste de le repousser ; mais peu à peu elle s’était calmée, il l’avait pressée contre son épaule, et tous deux s’étaient enfoncés dans une des allées. Le garçon avait regardé leur silhouette se dissoudre dans la nef brumeuse.

— Encore deux qui ne sont pas d’accord, pensa-t-il en étouffant un bâillement.

Mais, depuis que le service de nuit lui était confié, il avait vu tant de choses bizarres qu’une scène de ce genre, même à cette heure insolite, ne l’étonnait guère. Après avoir jeté un regard sur la motocyclette abandonnée le long du trot­toir, il réintégra son réduit et se glissa sous la couverture.

La nuit était froide. Dans l’humidité exhalée