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REINE D’ARBIEUX

blesse d’ouvrir sa maison à Adrien, à ce tartufe, ce misérable, réveilla en lui l’enfer de sa jalousie.

— Celui-là me le paiera cher !

Sans qu’il en eût conscience, il avait marché plus d’une heure, et le solitaire pays encadré de landes se muait en croupes et en vallons. Au-dessus de la route, se profilait l’abside écrasée d’une vieille église, sur une sorte de petit plateau où s’égaillaient des tombes parmi les cyprès. Germain entra. Quel instinct l’avait mené là ? Dès l’ombre du porche, l’impression fut si vive en lui d’un refuge ouvert à toutes les misères qu’il fut saisi de ne voir per­sonne. Pourquoi, si elle voulait fuir, ne s’être pas cachée ici, dans cette pauvre maison de Dieu qui sentait l’encens, et où elle aurait pu pleurer, s’apai­ser loin de tous les yeux, retrouver son âme d’en­fant. La nef était en contre-bas. Germain descen­dit les marches, passa devant une statue fleurie d’un bouquet d’asters, regarda l’autel. L’étoile de la lampe brillait suspendue au milieu du chœur. Une fatigue immense le terrassait : il se laissa tom­ber sur un banc, accablé, la tête dans ses mains.

Que se passa-t-il ce matin-là entre Dieu et lui ? Serait-ce parce qu’il avait l’impression de n’être plus seul qu’il s’attardait, brisant enfin sa course inutile, arrivé malgré lui au terme mystérieux où sont ramenées toutes les douleurs ? Il ne savait pas, ne pensait à rien. Il n’était plus qu’un homme à terre ; parce qu’une douceur le pénétrait, émanant d’une présence invisible, quelque chose d’obscur tressaillait au fond de son être.