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REINE D’ARBIEUX

rancunes se trouvaient mêlées à un avide désir de savoir.

Dans le bureau, Adrien lui avait avancé un fau­teuil. Il restait debout, circonspect et à ses ordres : cette visite, qui lui avait causé un bref sursaut, il voulait en connaître le sens. Peut-être croyait-elle que Germain était au moulin ?

— Ah ! dit-elle, il est à la chasse !

Il la fixait de ses prunelles dilatées qui la sai­sissaient. C’était bien clair. Elle savait que Ger­main devait se trouver à cette heure dans sa palombière. Peut-être, comme on le disait, était-il revenu à cette petite auberge de la lande où il fréquentait avant son mariage ? La fille qui ser­vait, lui aussi, Adrien, la connaissait ! Une brune à la peau dorée, la taille souple, qui versait le vin aux muletiers. Que lui importait ! Ah ! depuis deux ans, il se terrait dans cette fabrique, regardant tourner les meules, haleter les machines, fumer les séchoirs qui auraient dû lui appartenir. Il ne disait rien ; il élargissait dans l’ombre sa place. Mais cette journée effaçait les autres. Froid et réservé, se sentant le maître de la situation, il feignait de croire que la jeune femme était contra­riée de ne pas trouver son mari.

— Je ne pense pas, expliqua-t-il, que nous le voyions aujourd’hui. Auriez-vous quelque chose à lui faire savoir ?

Reine était assise dans le fauteuil d’acajou devant le bureau. Elle se retourna. Certes, il n’était pas homme à s’attendrir ; celui qui a dévoré, en