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REINE D’ARBIEUX

tion. Mais elle ne pouvait avoir de chagrin. On ne pleure pas un enfant qu’on n’a pas connu ! Il y pensait au fond de la cabane aménagée dans une pinède qui attenait à une de ses métairies. La passion de la chasse l’avait repris, l’isolant du matin au soir loin de la fabrique, où la présence d’Adrien continuait d’éveiller en lui une répulsion sourde ; loin de sa maison, où le silence de Reine lui semblait chargé de reproches.

La jeune femme déjeunait seule. Ce jour-là, Génie lui avait servi deux ortolans pareils à des boules de beurre, à moitié fondus, dans de petites caisses en papier. La vieille la traitait un peu en enfant, la regardait manger. Elle lui préparait le matin une infusion de quinquina, mais l’entrain ne revenait pas. Les médecins ! Ils ne comprenaient rien. Ce sont les mauvaises idées qui rongent les gens. Que faire, avec une « jeunesse » qui ne savait même pas ce qu’elle mangeait ?

— C’est un autre enfant qu’il lui faudrait, mar­mottait la vieille. Mais faible comme elle est ! On ne sait pas ce qui arriverait.

Pendant qu’elle tournait autour de la table, la trépidation d’une motocyclette fit tressaillir Reine. Adrien ! Il passait presque tous les jours, à l’heure des repas. Dans le grand silence, elle entendait gronder le moteur : une sorte de souffle précipité, un bruit de ferraille qui décroissait pour se perdre dans l’éloignement.

Il y avait seulement deux semaines que ces allées et venues avaient commencé. Cela l’intriguait. Un