Page:Balde - Reine d'Arbieux, 1932.pdf/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
REINE D’ARBIEUX

le sentiment de sa volonté satisfaite, elle regardait en elle-même, songeant à l’enfant comme à la seule réalité de sa vie, sa revanche, son but à atteindre. Un fils ! Elle imaginait que ce serait un fils. À ce moment, ses paupières battirent, sa main s’accrocha au cuir du coussin : la brusque secousse de l’auto franchissant un passage à niveau lui avait arraché un cri.

— Non, répétait le docteur Ychoux, ne vous frappez pas. Ce n’est pas la peine de se monter la tête pour une fausse couche. Elle sera sur pied dans quinze jours. Mais il lui faudra des ménagements.

Germain, très remué, le retint par le bras.

— Mais enfin, docteur, cette course ne peut pas lui avoir fait mal. Toutes les femmes vont en auto. Cette secousse ? Cela n’a rien été. Je ne m’en étais pas même aperçu…

Il s’obstinait, lui faisant la leçon, en homme qui veut envers et contre tout n’avoir pas eu tort. N’avait-il pas, à la fabrique, une employée grosse de six mois qui hachait la paille du matin au soir ? C’était autrement fatigant ! Tout en parlant, il barrait au docteur l’étroit corridor, l’empêchait de partir, sans doute dans l’espoir d’être rassuré, et pour lui arracher un mot décisif qu’il pourrait ensuite redire à Reine.

Le docteur — un célibataire petit et trapu, assez mal léché, le visage embroussaillé de sourcils et de barbe grise — ne prenait pas les choses au tragique :