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REINE D’ARBIEUX

dation enragée d’une motocyclette : Adrien apparut dans un nuage de poussière et sans s’arrêter fila sur la route.

Sans doute revenait-il de la sous-préfecture où il avait dû passer la journée. Germain, en son for intérieur, se félicita :

— Je l’ai tout de même remis à sa place.

Au fond, son inquiétude n’était pas éteinte ; il fallait veiller. L’attitude de Reine le déconcertait. Quand il lui avait proposé, la veille, de rapporter lui-même à son cousin les livres prêtés, — elle avait eu, certes, le temps de les lire… c’était à croire qu’elle voulait les apprendre par cœur, — elle s’y était opposée avec douceur, mais obstinément, en étendant la main sur les volumes, dans un geste de possession. Et il n’avait pas osé insister, s’imposant avec elle une patience, des ménagements qui n’étaient guère dans sa nature.

Mais à peine Adrien avait-il passé en coup de vent, qu’il ne put s’empêcher de triompher :

— Vous voyez, si vous l’aviez invité aujourd’hui, vous l’auriez gêné. Il n’a que son dimanche. Vous pensez bien qu’un garçon de son âge doit avoir quelque bonne amie. On le dit d’ailleurs dans le pays. Bien entendu, je n’ai pas à m’en occuper… Est-ce que cela me regarde ?

Elle avait paru sur le point de riposter, puis se contint, détourna les yeux, surprise d’éprouver ce pincement au cœur. Qu’y avait-il d’étonnant ? Qu’avait-elle à dire ? Mais quelque chose de triste et de froid la pénétrait, décolorant les impres--