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charpente. Vous saurez toujours vous éloigner du vulgaire et du convenu. Soyez, dans l’exécution, tour à tour poétique et moqueuse ; mais ayez un style égal, et vous franchirez cette désolante distance qu’il est convenu de mettre entre les deux sexes (littérairement parlant), car je suis de ceux qui trouvent que ni Mme de Staël, ni Mme George Sand ne l’ont effacée. »

Balzac se montrait vraiment excessif. Mme de Girardin ne pouvait prétendre à surpasser ni Mme de Staël, ni Mme Sand, même pas à les égaler ; et elle n’était pas faite non plus pour bâtir de « fortes charpentes ». Elle a donné des romans sans doute, mais ce ne sont pas de grands romans. Écrits par une femme et destinés à plaire aux femmes, ils ont un air d’élégance et parlent d’amour. Le thème brodé et rebrodé, nuancé de marivaudages, est toujours le même : les jeux de l’amour, ses raffinements, ses complications. Nous ne trouverons guère autre chose dans Marguerite et dans Il ne faut pas jouer avec la douleur.


Marguerite ou les deux amours parut en 1853, presque en même temps que Lady Tartuffe. Le succès fut vif. Le problème sentimental, longuement discuté, souvent jugé invraisemblable, servit de prétexte à d’agréables dissertations. On se récriait : « Est-ce possible ? Comment cela se peut-il ? »

L’étude psychologique est en effel fort délicate : Mme d’Arzac est une jeune femme languissante et frêle, au cou flexible, au teint transparent. Déjà veuve, elle est sur le point de se remarier avec un cousin, Étienne d’Arzac, qui l’aime tendrement depuis des années. Elle l’aime aussi, elle l’aime avec calme, avec un cœur confiant et heureux. Mais le véritable amour est-il celui qui donne la joie ? Non certainement, assure Mme de Girardin, le grand amour, l’amour fatal dévaste la vie. Mme d’Arzac en fera l’expérience de façon cruelle. Elle veut épouser son cousin, elle croit lui avoir donné un sentiment sûr. Mais, « le plus beau, le plus spirituel, le plus élégant de tous les jeunes gens de Paris » lui a voué une folle passion. De ces deux