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tier, qui a écrit « quelque chose comme 300 volumes », était d’une paresse célèbre.) Les autres reproches ne sauraient manquer : « Il est insensible ; il ne sait aimer dans la femme que la forme d’art. » Écoutons Irène :

« … Et puis ces vilains poètes sont des êtres si positifs ! les poètes ne sont pas poétiques, ma chère… Edgard s’est fait romanesque depuis qu’il m’aime ; mais je crois que c’est une hypocrisie, et je me défie de son amour. Edgard est, sans contredit, un homme supérieur, d’un talent admirable, je juge qu’il est séduisant, la belle marquise de R… l’a prouvé ; mais moi, je ne reconnais pas, dans son amour, cette idéalité que je rêve. Ce n’est pas le regard qu’il aime dans les yeux, c’est la forme pure des paupières, c’est la limpidité des prunelles ; ce n’est pas la finesse et la grâce qui lui plaisent dans un sourire, c’est la correction des contours, c’est la teinte pourpre des lèvres ; enfin, pour lui, la beauté de l’âme n’ajoute rien à la beauté. »

Que d’entrain aussi à railler Méry, à lui écrire : « Vous, mon cher prince, qui avez vécu en ménage avec les tigres du Bengale, qui avez eu pour caniches des lions de l’Atlas… » Ce Méry était Marseillais. Sans prendre la peine de voyager, il décrivait tous les pays. Il « savait l’Inde, et la Chine, et l’Afrique, et l’Asie, et l’Australie mieux que s’il les eût visitées dans leurs mystérieuses profondeurs ». Il avait le don de l’improvisation, « il supposait avec une mystérieuse exactitude ». Et quel goût des complications, quelle spontanéité dans le paradoxe. « Il aurait fallu le faire suivre par un sténographe quand il arpentait le portique du temple grec qu’habitait Mme de Girardin, nous dit Gautier. C’était précisément le temps où les quatre amis composaient la Croix de Berny.

II

Dans la lettre dont un passage est cité plus haut, Balzac disait encore à Mme de Girardin : « Bâtissez une forte