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Voilà les leçons qu’elle donne à ses filles. Aussi n’en fera-t-elle pas de petites bourgeoises, mais des femmes énergiques, spirituelles, et qui mettront les joies de l’esprit plus haut que les satisfactions matérielles. Et avec tout cela, dans l’âme de Delphine, il y avait le don de la poésie.



III


Delphine Gay n’avait que quatorze ans quand la poésie s’éveilla en elle. Ce fut à la campagne, par un jour d’automne, « alors qu’elle se promenait solitaire dans une allée de grands arbres ». Mais est-ce seulement la nature qui détermina cette éclosion ? En cette année 1818, et à l’automne précisément, elle avait vu le congrès d’Aix-la-Chapelle. Pour les souverains, pour les diplomates, les fêtes naissaient de toutes parts. Chez Mme Gay, Sophie Gail était accourue ; Sophie Gail, sa collaboratrice, la musicienne accomplie. Toutes deux, la Sophie de la parole et la Sophie de la musique, allaient de succès en succès. Un petit opéra-comique de leur composition, la Sérénade, faisait l’ornement des galas. Bref, la maison était sens dessus dessous, et tout en faisant office de secrétaires et de servantes, les petites filles devaient avoir la tête tournée. Peut-être Delphine rêva-t-elle aussi les louanges, les acclamations ? Peut-être connut-elle à ce moment quelque exaltation juvénile ? Du moins sa mère, mise au courant de espérances, lui donna-t-elle de sages conseils : Si tu veux qu’on te prenne au sérieux, donnes-en l’exemple, étudie la langue à fond ; pas d’à peu près, montres-en a ceux qui ont appris le latin et le grec, et puis n’aie dans ta mise aucune des excentricités des bas-bleus ; ressemble aux autres par ta toilette et ne te distingue que par ton esprit. En un mot, sois femme par la robe et homme par la grammaire.