Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup de dents lui manquaient[1]. Lorsqu’il se pencha pour se chausser, je remarquai qu’il avait la respiration coupée. En se redressant il suffoqua, tout son visage, bouffi, bleuit. On voyait à tous ces indices que la maladie, qui, trois ans plus tard, devait le conduire au tombeau, était déjà très avancée.

« Lorsque Bakounine eut fini sa toilette, nous sortîmes dans le jardin, où sous une tonnelle, fut servi le déjeûner. Alors, vinrent deux Italiens. Bakounine me présenta à l’un d’eux, qui n’était autre que Cafiero, son ami intime, qui a sacrifié toute une fortune assez considérable à la cause révolutionnaire italienne[2]. Silencieux, il prit place à côté de nous et se mit à fumer sa pipe. Entre temps arriva le courrier, et Bakounine commença à feuilleter toute cette masse de journaux et de lettres. Plus tard vint Zaitzeff, l’ancien collaborateur de la revue « La parole russe », et une conversation animée s’engagea bientôt sur l’insurrection de Barcelone qui, si je ne me trompe, avait eu lieu en 1872 et qui, on le sait, s’était terminée, par un échec. Au cours de différents aperçus sur cet événement, Bakounine émit l’avis, que la responsabilité de l’échec de cette insurrection retombait sur les révolutionnaires.

— « En quoi donc a consisté leur faute ? » demandai-je.

  1. Pendant sa longue détention, il fut atteint du scorbut et perdit ses dents. (Trad.)
  2. La villa de Barounata dont il est question plus loin, avait été payée par lui. (Trad.)