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plus que l’on pourrait difficilement admettre que leur voie soit la même que celle poursuivie par les Polonais. »

— « C’est la même, certes, c’est bien la même », répliqua Bakounine. « Ils ne peuvent donc pas rester éternellement les bras croisés, plongés dans le rêve. Il faut prendre l’histoire telle qu’elle se présente à nous, sans cela on marcherait toujours en arrière ou en avant du mouvement. »

« Bakounine rajeunissait, il était dans sa sphère. Ce n’est pas seulement le mugissement insurrectionnel, le bruit des clubs, le tumulte dans les rues et sur les places, non plus que les barricades qui faisaient son bonheur ; il aimait aussi le mouvement de la veille, la préparation ; cette vie agitée et en même temps contenue des conférences, ces nuits sans sommeil, ces pourparlers et ces négociations, ces rectifications, l’encre chimique, le chiffre et les signes convenus d’avance.

« Qui, après avoir pris part à la répétition d’une pièce de théâtre, jouée par des amateurs, ou aux préparatifs d’un arbre de Noël, qui ne sait que c’est là le moment le plus agréable ! Mais, puisque Bakounine s’animait, absolument comme s’il se fût agi de préparer un arbre de Noël, cela me fâchait. Je me disputais continuellement avec lui, et j’agissais malgré moi.

« Bakounine croyait à la possibilité d’une révolution militaire et d’un soulèvement des paysans en Russie ; nous aussi y avions foi en partie. Le gouvernement russe, lui-même, le croyait, ce qui, plus tard, est ressorti de toute une série de mesures officielles, des articles publiés dans la presse salariée, enfin, des exé-