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partis, les sociétés, les crises ministérielles (sous Nicolas !), sur l’opposition (en 1847 !). Moi, je leur parlais des cours à l’université, des conférences publiques de Granovski, des ouvrages de Biélinski, de l’état d’esprit chez les étudiants et même chez les séminaristes.

« Ils s’étaient déjà passablement éloignés des intérêts de la vie russe et se préoccupaient beaucoup trop de la Révolution « générale » et des questions françaises, pour comprendre que, chez nous, la publication d’un volume, comme les « Âmes mortes »[1], avait beaucoup plus d’importance que la nomination de deux Paskevitch au grade de Feldmarschals et de deux Philarète, au rang de métropolitains. Privés de livres et de journaux russes, ne pouvant entretenir de relations régulières avec la Russie, ils la jugeaient plutôt théoriquement, d’après des souvenirs qui, généralement, de loin, présentent les choses sous un jour artificiel. »

Pendant son séjour à l’étranger, depuis 1840 jusqu’à la fin de 1847, Bakounine écrivit une demi-douzaine d’articles pour les journaux et se déshabitua complétement du travail littéraire, auquel il s’était voué d’abord de 1836-1839. De cette manière il arriva à l’état d’un homme sans profession, d’un déclassé.

Aussi sympathisait-il beaucoup avec tous les déclassés[2] et fondait-il de grandes espérances sur eux. Dans

  1. Ouvrage satirique de Gogol. (Trad.)
  2. Un grand nombre de jeunes hommes intelligents de la Russie, arrachés pour la plupart aux bancs des universités, furent amenés à cet état de « déclassés » par les arrestations, la prison, l’exil et les persécutions continuelles de la police. (Trad.).