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auront été déchaînées » que « le démon aura été éveillé », etc. D’après sa lettre, dans laquelle il parle de l’ignorance de Nétchaïeff, on peut également conclure que Bakounine avait conçu des doutes sur l’utilité des conseils qu’il donnait à la jeunesse de déserter les écoles et que Nétchaieff appuyait. Dans le récit de B. Malon, on voit qu’à la fin de ses jours, Bakounine avait reconnu aussi la signification des formes politiques transitoires de l’État, qu’il avait précédemment reniées, à cause de son idée d’anarchie socialiste. En parlant de Bakounine durant son séjour à Lugano, Malon dit (l. cit. 746) : « Toute sa jalousie de vieux politicien se transforma en un seul souci porté sur la lutte que les républicains français soutenaient alors contre les hommes du 24 et du 16 mai (Mac-Mahon et autres). J’ai pu voir comme ce vieil anarchiste entra en extase, à la nouvelle de la grande victoire républicaine, le 20 février 1876 ».

— « La liberté de l’Univers est sauvée ! — s’écria-t-il — et cette fois encore par le grand peuple français ! »

Ainsi, dans les dernières années de sa vie, ses idées politiques se rapprochèrent considérablement de celles que lui avait exposées Herzen, en lui expliquant pourquoi il ne pouvait entrer dans son « Alliance » (Œuvres posthumes de Herzen « Lettres à un vieil ami »)[1]. Toutefois l’amère expérience qu’il avait faite et surtout les cruelles leçons qui lui avaient été données par ses anciens amis Netchaïeff et R-s, qui amenèrent Bakounine à renoncer à ses théories anticivilisatrices et à ses habitudes contraires à la culture dans le domaine des idées et même des actes qu’il avait si longtemps, et avec talent, préconisées lui-même devant les révolutionnaires russes, qui furent si funestes à leur propre cause (Drag.).



Fin
  1. Il n’est pas inutile de rappeler ici que Herzen lui-même dans les ouvrages qu’il avait écrits sous l’influence de la révolution ratée de 1848-1849 comme « Lettres de France et d’Italie » et « De l’autre rive » exposa nombre d’idées qui correspondent à celles de Bakounine avec cet élan tantôt vers la destruction de la « vieille société », tantôt vers la dictature révolutionnaire (« La Jeune Russie » de 1862 reproche à Herzen d’avoir fait abnégation de ses idées). Il est vrai, que l’esprit plus réaliste de Herzen et son sentiment esthétique ne lui permirent pas de se laisser entraîner jusqu’au doctrinarisme (Drag.).