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ville. Il est indispensable d’aller nous installer à Zurich ou, si ce n’est à Zurich, à Lugano.

Tu me dis que l’état de tes finances est déplorable ; je ne puis admettre que tes conditions économiques aient pu empirer, sous la direction d’Alexandre Alexandrovitch. J’espère sérieusement que les deux Natalie consentiront tout de même à venir à Zurich et je compte surtout sur la jeune. Pourquoi Mme Meisenbug avec Olga, votre Jeanne d’Arc de la grande Allemagne, ne viendraient-elles pas s’établir aussi auprès de nous ? Je promets à Olga de ne plus la taquiner, — avec l’âge nous sommes devenus tous plus raisonnables et nous avons appris à nous supporter les uns les autres. Mais ce qu’il y a de plus important dans tout cela, c’est que notre union est exigée par la cause russe, donc, nous devons nous réunir. Et comme il n’est guère possible de réaliser cette union à Genève, réunissons-nous à Zurich ou à Lugano.

Il paraît que mon affaire va, enfin, s’arranger d’accord avec Boy et compagnie. Je leur ai franchement exposé les conditions dans lesquelles je pourrais me donner à cette cause. J’ai vaincu en moi toute fausse honte et leur ai dit tout ce que je devais dire. Ils seraient stupides s’ils ne voulaient pas consentir à accepter les conditions que je leur ai posées ; et s’ils ne trouvaient pas moyen d’y satisfaire ils feraient preuve d’incapacité et d’impuissance. En effet, jusqu’ici nous avons agi en purs idéalistes ; nous n’avons servi la cause que par nos aspirations, notre désir de faire et, rarement, par une maigre propagande. Quiconque veut produire du grandiose, doit beaucoup savoir et beaucoup oser. « Nous devons être des hommes d’affaires », ne pas nous laisser garotter et surtout ne pas nous vouer à l’impuissance