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elles. Celles-ci, grâce à leur ignorance et à leur myopie, en s’entraînant, dévient par moments de la grande route qui les mènerait directement au but. Souvent aussi, entre les mains du gouvernement et des classes privilégiées, elles deviennent un instrument pour servir à des fins essentiellement opposées à leurs propres intérêts substantiels.

Et bien, est-ce là une raison pour que les gens conscients de cet état de choses, sachant ce qu’ils doivent et ce qu’ils ne doivent pas faire, s’entraînent au point de courir à la popularité et disent des mensonges en faisant chorus avec tout ce monde ? Est-ce en cela que doit se résumer votre fameuse méthode d’action pratique ? N’est-ce pas grâce à cette même action qu’en 1859 Mazzini se vit obligé de neutraliser le drapeau républicain, d’envoyer des épîtres au pape et des lettres au roi, de faire des accommodements avec Cavour ? Et d’étape en étape, de concession en concession, n’est-ce pas encore grâce à cette même méthode adoptée par lui, qu’il fut amené à détruire complètement de ses propres mains le parti républicain en Italie. Et c’est encore cette action pratique qui contribua à la transformation de Garibaldi, héros populaire, en un serviteur muet de Victor-Emmanuel et de Napoléon III.

On dit que Mazzini et Garibaldi furent obligés de céder à la volonté souveraine du peuple. Il n’en est rien. Ils cédèrent à la minorité bourgeoise qui s’est arrogé le droit de parler au nom du peuple qui reste indifférent à toutes les péripéties de la politique. Et c’est ce qui vous arriva aussi. Vous avez pris les lamentations des propriétaires terriens, qui trouvèrent un écho dans la littérature, pour l’expression des sentiments de toute la nation russe et vous en