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ses propres mains l’empire russe ; en d’autres termes, je l’engageai à un suicide politique, mais jamais l’idée, qu’il eût pu consentir à un acte si insensé, à son point de vue, n’a traversé mon esprit. Et en agissant ainsi, j’étais tout aussi persuadé que vous-mêmes, que cet empereur est condamné à suivre le système de Pierre le Grand par la force des choses, par son éducation et son entourage, par les traditions, les intérêts et tous les attributs qui sont nécessités par sa position d’autocrate. Et si je lui indiquais cette voie, seule efficace pour opérer l’émancipation réelle du pays, mais qu’il lui était impossible de suivre, c’est que je voulais, simplement, éveiller dans les esprits du public la conscience nette et précise de l’incompatibilité de l’autorité tzarienne avec le bonheur de différents peuples sur lesquels elle doit s’exercer. D’ailleurs, c’était le temps des compromis. Vous vous rappelez bien que, déjà à cette époque, je me refusais à admettre, que dans le milieu de la noblesse eût pu se former une force nouvelle qui ébranlât ou mît seulement un frein quelconque à l’autocratie. Repassez dans votre souvenir nos débats avec L. ; comme en le combattant, souvent nous avons dénié ensemble toute possibilité de l’indépendance de la classe nobiliaire en Russie et comme nous avons toujours défendu nos séminaristes, négligeant leur toilette, et nos nihilistes, qui, en dehors du peuple, seuls présentent une force jeune et fraîche. Cependant, à l’époque dont il s’agit, il y eut encore au milieu de la noblesse des échos de ce mouvement retentissant qui fut provoqué par la minorité dans les différents zemstvos. La noblesse du gouvernement de Tver marcha à la tête, en réclamant hautement l’égalisation de tous les droits