Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec bonheur le comité de Saint-Pétersbourg, et je suis prêt à me ranger sous ses ordres, seulement il faut que je connaisse la situation de vos affaires et la direction que vous suivez actuellement. Au nom de Dieu, écrivez-moi donc et envoyez-moi votre adresse, afin que je puisse vous répondre.

Faudrait-il croire enfin qu’étant pourvus de tous les moyens, pour organiser une communication régulière entre nous, nous ne soyons pas capables de le faire ?

La situation de la malheureuse Pologne est pénible, mais elle ne périra pas. L’Europe est trop divisée en ce moment et c’est sur ce désaccord général que sont fondées toutes les espérances à Pétersbourg. Cependant, la question polonaise est déjà poussée si loin que pour les puissances de l’Europe il est tout aussi dangereux de ne rien faire pour elle, que difficile de lui venir en aide. Je pense qu’après un second refus de la chancellerie de Saint-Pétersbourg, la France, l’Angleterre et l’Autriche reconnaîtront la Pologne « comme partie belligérante ». J’espère que les Polonais pourront tenir encore cet hiver à l’aide des armements et d’autres secours qui leur arriveront ouvertement par la Galicie. Au printemps, ce me semble, la guerre sera imminente. Ne devons-nous rien faire jusque-là, ne devons-nous pas, au moins, nous tenir prêts à l’action ? Les fausses adresses envoyées au tzar de tous les coins de la Russie et la rage patriotique de Moscou retentissant en phrases emphatiques, ne m’effrayent nullement et ne sauraient guère me déconcerter ou me faire renoncer à ma foi. Et comme toujours, le gouvernement, en s’efforçant de produire dans le peuple une agitation dirigée contre nous, travaille, en somme, dans notre intérêt.