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J’ai cette conviction inébranlable que notre pire ennemi est Pétersbourg, plus redoutable pour nous que les Français et les Anglais, que les Allemands eux-mêmes. Car Pétersbourg n’est en somme qu’un Allemand déguisé. Rien ne saurait donc m’empêcher de continuer ma lutte à mort contre lui. Oui, je renie hautement ce patriotisme d’État impérialiste, et je me réjouirai de la destruction de l’empire de quelque côté qu’elle puisse venir. Bien entendu je n’irai pas en Russie avec les Français, les Anglais, les Suédois et leurs amis les Polonais, mais si je trouve moyen de passer dans l’intérieur du pays pour soulever les paysans pendant cette guerre avec les étrangers, je le ferai avec une conscience parfaite de remplir un devoir sacré et de servir la grande cause nationale. C’est là ma confession. Mais ne prenons pas cela à cœur aujourd’hui et passons à un autre sujet.

Dites à Alexandre Alexandrovitch que son ami Quanten, ne sachant sur qui répandre ses bienfaits, de Pollès Tugendbold a fait son protégé et pour lui, il s’est brouillé même avec Demontovitcz. Ce Pollès fait sa carrière ici ; il est reçu chez Manderintrollène, ministre des affaires étrangères. Il n’y a pas longtemps, il fut présenté au prince Oscar et lui offrit un exemplaire de sa brochure sur l’expédition. À ce qu’on dit, c’est un pamphlet contre moi, insultant au plus haut degré, qui lui a valu la haute protection de Quanten. Il est bien probable que je n’y répondrai pas. Mais, en tous cas, dites-moi jusqu’où pourrais-je aller en racontant les faits qui nous sont connus, sans nommer personne. Pensez que ce souple intrigant est prompt et infatigable dans l’application de son astuce ; il sait s’insinuer partout et par cela même est très dangereux. Peut-être, y aura-t-il besoin de lui