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lant, habile et intelligent, mais c’est tout au plus un simple condottière et un patriote haineux et étroit, détestant les Russes avant tout. En sa qualité de militaire, et grâce à ce métier, il déteste et méprise les masses populaires, même dans son propre pays.

Après avoir examiné ce tempérament de plus près et l’avoir plus justement apprécié avec l’aide de Demontowicz, je vous l’avoue, j’ai conçu des doutes sur le succès de notre entreprise russe dans ce milieu exclusivement polonais. Pour qu’elle aboutît, il eût fallu de leur part beaucoup de sympathie et de foi envers nous, ce dont ils sont fort éloignés, à l’exception de Demontowicz. Lapinski me complimenta par de belles paroles, mais je ne pus les prendre au sérieux. Il nourrit un sentiment de haine jalouse contre Demontowicz, et je ne doute pas qu’il voudra profiter de la première occasion qui se présentera pour l’anéantir. Demontowicz, de son côté, l’a en si grande méfiance, que, d’après ses propres aveux, il évite même d’accepter un aliment quelconque de ses mains, de peur d’être empoisonné !

Une jolie expédition dont les deux chefs de l’entente desquels dépend le succès, entretiennent de pareilles relations entre eux ! Ajoutez à cela la maladie du pauvre Demontowicz qui en est brisé au point de se tenir à peine sur pied et de ne pouvoir proférer une parole. Sur qui pouvais-je donc m’appuyer. Est-ce sur le compère, l’intrigant, Léon Mazurkiewicz ? Ou encore sur ce bavard de Bobczinski ?

Au commencement, tous les deux me flattèrent ; mais dès que je leur eus tourné le dos, ils se mirent à m’injurier. Enfin, ce petit Juif de Tugendbold, pour lequel j’eus d’abord beaucoup de sympathie, n’était en somme, je l’ai appris plus tard, que « l’âme