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pour le transport du chargement et des hommes, ce dont, jusque-là, il n’avait soufflé mot à personne, et il ne s’en était avisé qu’à Helsinborg seulement. D’abord, il prétexta une amende de 500 livres sterling qu’on lui ferait payer, à cause de cette négligence ; mais lorsque les Polonais lui promirent de lui rembourser cette somme, dans le cas où l’expédition réussirait, il parla de Sibérie et de gibet. Sous différents prétextes, il nous retint encore pendant deux jours à Helsinborg, et ce n’est que le 28, à une heure de l’après-midi, que nous pûmes le forcer de nous laisser embarquer.

Il entretenait des relations avec notre hôtelier et, par son intermédiaire, avec le consul russe, son compagnon et son ami personnel. Nous apprîmes par le garçon de l’hôtel que son patron et le consul avaient télégraphié à l’ambassade russe, à Stockholm, et je suis absolument persuadé que nous n’avons été retenus si longtemps à Helsinborg que par l’ordre des autorités russes qui espéraient profiter de ce retard pour nous ménager une rencontre.

À peine étions-nous embarqués, que le capitaine réunit tous ses matelots et leur fit un discours dans lequel il leur présenta le danger auquel ils s’exposaient en allant avec nous dans la Baltique. Devant cette lâcheté de notre capitaine de plus en plus manifeste et inquiétante, nous tînmes conseil. Mais lorsque nous lui reprochâmes sa fausseté, il nous répondit par des larmes, en nous assurant de ses sentiments de fidélité. D’un autre côté, votre dernier télégramme, reçu à Helsinborg, dans lequel vous nous annonciez les préparatifs que le gouvernement russe faisait en Lithuanie nous rendit songeurs. Nous prîmes donc la résolution de persuader à ce capitaine de