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LETTRE DE BAKOUNINE À HERZEN ET À
OGAREFF


31 mars 1863. Helsinborg.


Mes amis,


Vous avez dû apprendre déjà par nos télégrammes le triste échec qu’a subi notre expédition si brillamment conçue, mais très mal organisée et partie trop tard. Son succès ne pouvait être assuré qu’à la condition d’être rapide et qu’on en gardât le secret. On l’a exécutée d’une manière tout à fait impossible en traînant le départ jusqu’au 21, et le secret en fut dévoilé par la convocation des réfugiés polonais de Paris, appelés pour le 14, à Londres. Enfin, la condition essentielle était d’avoir un capitaine audacieux et loyal, le succès de toute l’entreprise reposant sur ces deux qualités indispensables chez son chef. Au contraire, on a fait choix d’un misérable lâche qui mit à néant toute chance de succès. Après avoir fait ce funeste choix, on s’est fié de plus à cet homme si aveuglement, qu’on ne jugea même pas nécessaire de donner à Demontowicz le double du contrat et de la liste de chargement du navire ; en d’autres termes, l’état des armes et des munitions expédiées en même temps que nous. Moi-même, je fus averti trop tard. J’ai reçu le télégramme de Card seulement le 22, à trois heures du soir ; comme il n’y a pas d’autre route de Stockholm à Helsinborg que celle de Gottenbourg et que le train, unique, part d’ici le matin, je ne pus le prendre que le lendemain, donc seulement, le 23, à huit heures. J’arrivai à Gottenbourg à neuf heures du soir. Comme il n’y avait pas d’autre