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de la plus grande partie des pays connus des anciens et par la destruction de leurs institutions nationales. Grâce à eux, l’autel d’un Dieu unique et suprême put s’établir sur les ruines de milliers d’autres autels. Les Dieux de toutes les nations vaincues réunis au Panthéon s’annulèrent mutuellement.

Quant à la seconde condition, la spiritualisation de Jéhovah, elle fut réalisée par les Grecs, bien avant Ïa conquête de leur pays par les Romains. La Grèce, à son terme historique, avait déjà reçu de l’Orient un monde divin qui s’était définitivement établi dans la foi traditionnelle de ses peuples. Dans cette période d’instinct, antérieure à son histoire politique, elle l’avait développé et prodigieusement humanisé par ses poètes, et lorsqu’elle commença véritablement son histoire, elle avait déjà une religion toute prête, la plus sympathique et la plus noble de toutes les religions qui aient existé, autant du moins qu’une religion, c’est-à-dire un mensonge, peut être noble et sympathique. Ses grands penseurs, — et aucun peuple n’en eut de plus grands que la Grèce, — trouvèrent le monde divin établi, non seulement en dehors d’eux-mêmes, dans le peuple, mais aussi en eux-mêmes, comme habitude de sentir et de penser, et naturellement ils le prirent pour point de départ. Ce fut déjà beaucoup qu’ils ne fissent point de théologie, c’est-à-dire qu’ils ne se morfondissent pas à réconcilier la raison naissante avec les absurdités de tel ou tel autre dieu, comme le firent au moyen-âge les scolastiques. Ils laissèrent les dieux en dehors de leurs spéculations et s’attachèrent directement à l’idée divine, une, invisible, toute-puissante, éternelle, absolument spiritualiste et non personnelle. Les métaphysiciens grecs furent donc,