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français, il n’y a point de place pour la foi. Il professe la plus profonde indifférence pour toutes les questions qui ne touchent ni à sa bourse d’abord, ni à sa vanité sociale ensuite.

Il est aussi indifférent au protestantisme qu’au catholicisme. D’autre part, le bourgeois français ne saurait passer au protestantisme sans se mettre en contradiction avec la routine catholique de la majorité, ce qui eût été une grande imprudence de la part d’une classe prétendant gouverner la nation.

Il restait bien un moyen, retourner à la religion humanitaire et révolutionnaire du xviiie siècle. Mais cela eût mené trop loin. Force fut donc à la bourgeoisie, pour sanctionner son nouvel État, de créer une religion nouvelle qui-pût être, sans trop de ridicule et de scandale, la religion hautement proclamée par toute la classe bourgeoise.

C’est ainsi que naquit le Déisme doctrinaire.

D’autres ont fait, beaucoup mieux que je ne le saurais faire, l’histoire de la naissance et du développement de cette école, qui eut une influence si décisive et, on peut bien le dire, si funeste sur l’éducation politique, intellectuelle et morale de la jeunesse bourgeoise en France. Elle date de Benjamin Constant et de Mme de Staël ; son vrai fondateur fut Royer-Collard ; ses apôtres, Guizot, Cousin, Villemain et bien d’autres. Son but hautement avoué était la réconciliation de la révolution avec la réaction ou, pour parler le langage de l’école, du principe de la liberté avec celui de l’autorité et naturellement au profit de ce dernier.

Cette réconciliation signifiait : en politique, l’escamotage de la liberté populaire au profit de la domina-