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de Juillet et l’alliance du peuple, désormais inutile, commençait à lui devenir incommode. Il fallait le remettre à sa place, ce qui ne put naturellement se faire sans provoquer une grande indignation dans les masses. Il devint nécessaire de contenir celles-ci. Mais au nom de quoi ? Au nom de l’intérêt bourgeois crûment avoué ? C’eût été par trop cynique. Plus un intérêt est injuste, inhumain, et plus il a besoin de sanction. Or, où la prendre, si ce n’est dans la religion, cette bonne protectrice de tous les repus et cette consolatrice si utile des affamés ? Et plus que jamais la bourgeoisie triomphante comprit que la religion était indispensable au peuple.

Après avoir gagné tous ses titres de gloire dans l’opposition religieuse, philosophique et politique, dans la protestation et dans la révolution, elle était enfin devenue la classe dominante et par là même le défenseur et le conservateur de l’État, institution dès lors régulière de la puissance exclusive de cette classe. L’État, c’est la force, et il a pour lui, avant tout, le droit de la force, l’argumentation triomphante du fusil à aiguille, du chassepot. Mais l’homme est si singulièrement fait que cette argumentation, tout éloquente qu’elle semble, ne suffit plus à la longue. Pour lui imposer le respect, il lui faut absolument une sanction morale quelconque. Il faut de plus que cette sanction soit à la fois si simple et si évidente, qu’elle puisse convaincre les masses, qui, après avoir été réduites par la force de l’État, doivent de plus être amenées à la reconnaissance morale de son droit.

Il n’y a que deux moyens de convaincre les masses de la bonté d’une institution sociale quelconque, Le pre-