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craint, partout on voit un désordre affreux dans les intentions, les paroles et les actions, en un mot, une désorganisation complète, l’indice d’une ruine inévitable. L’ancien monde impérial croule et avec lui la Russie impériale, la noblesse, les tchinovniks, l’armée impériale, le cabaret, la prison et l’église impériale ; ou — dans le sens de Nicolas — la nationalité, l’autocratie et l’orthodoxie — tous les avortons d’une alliance monstrueuse de la barbarie tatare et de la science politique allemande, sont condamnés à une fin prochaine et inévitable. Et que restera-t-il ? — Le peuple seul.

Au commencement du règne actuel, le gouvernement voulait s’appuyer seulement sur les tchinovniks ; voulait, aidé par eux, introduire les réformes qui lui semblaient indispensables. Toute la Russie jeta un cri de colère. On hait les tchinovniks encore plus que la noblesse ; ils ne sont rien autre que ces mêmes nobles, mais au service de l’État, c’est-à-dire sous leur plus repoussant aspect. Le tchinovnik, c’est le bâton des Czars, avec lequel ils ont frappé le peuple pendant deux siècles, c’est cette longue main qui l’a pillé et ruiné : — quiconque connaît la Russie sait qu’un tchinovnik intègre, populaire, soignant les intérêts de l’empire est une exception, une faute de logique, un non-sens contre la routine officielle, qui conduit nécessairement au vol et à la fourberie, et qu’un tel non-sens ne pouvait et ne peut exister longtemps. Partout la bureaucratie tue et ne vivifie pas le gouvernement. Mais, en Russie, elle a tout corrompu — et il n’y a pas de salut à en espérer ! Petersbourg seul a pu avoir une idée si folle — d’autant plus folle que le tchernovnik d’aujourd’hui est loin d’être un fidèle serviteur de l’Empereur autocrate !

Il a perdu la foi en lui, ne se fie plus à sa force, cherche un plus ferme appui dans l’opinion publique qu’il flatte au détriment du pouvoir impérial, pour se sauver lui-même.

Enfin les deux tiers des tchinovniks sont des nobles — de vieille souche ou non, peu importe, car ils ont tous les mêmes privilèges. Tous ceux qui ont du pouvoir ou de l’influence appartiennent à la noblesse. Est-il donc possible que, dans les questions soulevées maintenant par le gouvernement, questions qui con-