Page:Bakounine - A mes amis russes et polonais, 1862.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Or donc, il faudra renoncer bon gré ou mal gré à toutes les annexions ou détentions violentes. Il ne nous reste qu’une chose à faire : c’est de reconnaître spontanément la liberté et l’indépendance des populations slaves et autres qui nous entourent. Soyez assurés que dès que nous l’aurons fait, tous nos voisins se rallieront à nous et nous serons attachés par des liens plus forts qu’ils ne le sont maintenant. Les Slaves, les Polonais auront besoin de nous. Eux-mêmes ils nous appelleront à leur secours, quand l’heure de la lutte panslaviste aura sonné, quand il faudra défendre les pays slaves dans la Prusse orientale, dans la Posnanie, la Silésie, la Boukovine, la Galicie, le grand pays des Tchechs, dans toute l’Autriche et toute la Turquie. Ne craignez donc rien pour la Russie. Messieurs, ne médisez pas d’elle en assurant que son bien-être et sa gloire ont besoin de l’abaissement et de l’esclavage des peuples voisins. Le libre peuple russe, qui ne connaît pas vos craintes mesquines et votre ambition de caporaux, tendra la main à toutes les nationalités qui se feront libres et avant tout aux Polonais.

Et nous, amis, qui avons foi dans le peuple russe, avançons d’un pas ferme et sans crainte. Restons-lui fidèles jusqu’à la fin, sans nous arrêter devant des menaces, des obstacles ni même devant l’indifférence que nous rencontrerons souvent sur notre route couverte de ronces et d’épines. Ne nous abandonnant ni à l’abattement ni à de folles chimères, menons à bout avec patience et sans ambition notre œuvre modeste mais indispensable. Nous devons frayer le chemin pour le grand Élu ; que l’heure de sa victoire sonne bientôt et que sa volonté se fasse !

Je m’adresse maintenant à nos frères les Polonais. Je ne dis pas à nos amis.

Nous n’avons pas d’amis en Pologne.

Entre nous et les Polonais il y a des torrents de sang, que des martyrs ont versé pendant tout un siècle et récemment encore sous les armes des soldats russes. Entre nous et eux il y a l’abîme d’un arbitraire dégoûtant et bestial creusé journellement dans toute la Pologne, d’après les ordres venant de St. Pétersbourg, c’est vrai, mais par des mains russes.