Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et abstraites, mais avec la compréhension réelle et vivante de ses maux réels ; et ses maux de chaque jour, bien que présentant pour le penseur un caractère général, et bien qu’étant en réalité des effets particuliers de causes générales et permanentes, sont infiniment divers, prennent une multitude d’aspects différents, produits par une multitude de causes passagères et partielles. Telle est la réalité quotidienne de ces maux. Mais la masse du prolétariat, |116 qui est forcée de vivre au jour le jour, et qui trouve à peine un moment de loisir pour penser au lendemain, saisit les maux dont elle souffre, et dont elle est éternellement la victime, précisément et exclusivement dans cette réalité, et jamais ou presque jamais dans leur généralité.

Donc, pour toucher le cœur et pour conquérir la confiance, l’assentiment, l’adhésion, le concours du prolétaire non instruit, — et l’immense majorité du prolétariat est malheureusement encore de ce nombre, — il faut commencer par lui parler, non des maux généraux du prolétariat international tout entier, ni des causes générales qui leur donnent naissance, mais de ses maux particuliers, quotidiens, tout privés. Il faut lui parler de son propre métier et des conditions de son travail précisément dans la localité qu’il habite ; de la dureté et de la trop grande longueur de son travail quotidien, de l’insuffisance de son salaire, de la méchanceté de son patron, de la cherté des vivres et de l’impossibilité qu’il y a pour lui de nourrir et d’élever convenablement sa famille.