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et en développer l’esprit. Toutes les autres sections étant des sections corporatives, les ouvriers s’y trouvent réunis et organisés non par l’idée, mais par le fait et par les nécessités mêmes de leur travail identique. Ce fait économique, celui d’une industrie spéciale et des conditions particulières de l’exploitation de cette industrie par le capital, la solidarité intime et toute particulière d’intérêts, de besoins, de souffrances, de situation et d’aspirations qui existe entre tous les ouvriers qui font partie de la même section corporative, tout cela forme la base réelle de leur association. L’idée vient après, comme l’explication ou comme l’expression équivalente du développement et de la conscience collective et réfléchie de ce fait.

Un ouvrier n’a besoin d’aucune grande préparation intellectuelle pour devenir membre de la section corporative qui représente son métier. Il en est déjà membre |102 avant même qu’il ne le sache, tout naturellement. Ce qu’il lui faut savoir, c’est d’abord qu’il s’échine et s’épuise en travaillant, et que ce travail qui le tue, suffisant à peine pour nourrir sa famille et pour renouveler pauvrement ses forces déperdues, enrichit son patron, et que par conséquent ce dernier est son exploiteur impitoyable, son oppresseur infatigable, son ennemi, son maître, auquel il ne doit autre chose que la haine et la révolte de l’esclave, sauf à lui accorder plus tard, une fois qu’il l’aura vaincu, la justice et la fraternité de l’homme libre.