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quarante ans ; de l’avoir formée, non pour la révolution, mais pour la lutte héroïque, et toujours inégale, contre les oppresseurs politiques de l’Italie, indigènes et étrangers, — contre les ennemis de son unité encore plus que de sa liberté. Sous ce rapport, mes chers amis, vous êtes tous ses fils, ou plutôt ses petits-fils, puisque la génération de ses fils est presque disparue, — les uns étant morts, les autres vivants mais corrompus, et très peu étant restés intacts, — et personne mieux que moi ne comprend le sentiment profond de reconnaissance et de piété que vous éprouvez tous pour Mazzini.

Seulement je vous prie de remarquer qu’il vous a élevés et formés à sa propre image : c’est déjà beaucoup, en effet, que vous commenciez aujourd’hui, non sans peine, à devenir révolutionnaires contre lui, et la majeure partie d’entre vous hésite encore. Il vous a élevés à combattre pour l’Italie, et à mépriser le peuple d’Italie ; non pas le peuple théologique et fictif, dont il parle toujours, mais les multitudes vivantes et réelles, si misérables et si ignorantes, et « pourtant si intelligentes dans leur misère et leur ignorance ».

Vous avez beau être jeunes et ardents, le système politique et soi-disant révolutionnaire qu’il vous a inoculé demeure encore comme un mal héréditaire dans la moelle de vos os, et pour l’en expulser il vous faudra beaucoup de bains dans la vie populaire. Ce système se résume en deux mots : « Tout pour le peuple ; rien par le peuple ». Dans ce système, la