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que possible, de leur prospérité matérielle ; mais il veut aussi que cette prospérité matérielle descende du haut en bas, de l’initiative de l’autorité sur les masses. Il n’accorde pas à celles-ci d’autre capacité, d’autre droit, que de choisir soit directement, soit indirectement, l’autorité qui doit les gouverner, le droit de se donner un maître, parce qu’il ne comprend pas et ne comprendra jamais que les masses puissent vivre sans maître.

Cela répugne à tous ses instincts religieux et politiques, qui sont bourgeois. Dans son système, je le sais bien, le maître ne sera pas individuel, mais collectif ; et les membres de cette collectivité gouvernante pourront être changés et remplacés par des membres nouveaux. Tout cela peut avoir un très grand intérêt pour les personnes et pour les classes qui pourront raisonnablement aspirer à être tôt ou tard appelées à faire partie du gouvernement ; mais pour le peuple, pour les masses populaires, ces changements n’auront jamais une importance réelle. On pourra bien changer les personnes qui constitueront ou représenteront l’autorité collective de la république ; mais l’autorité, le maître, resteront toujours. C’est lui, le maître, que le peuple déteste instinctivement, et qu’il a raison de détester : parce que qui dit « Maître » dit domination, et qui dit domination dit exploitation. La nature de l’homme est ainsi faite que si on lui donne la possibilité de faire le mal, c’est-à-dire d’alimenter sa vanité, son ambition, sa cupidité aux dépens d’autrui, il