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C’est ce que les membres des comités de Genève, sans doute par ignorance des dangers qu’ils couraient au point de vue de leur moralité sociale, ont généralement négligé de faire. À force de se sacrifier et de se dévouer, ils se sont fait du commandement une douce habitude, et, par une sorte d’hallucination naturelle et presque inévitable chez tous les gens qui gardent trop longtemps en leurs mains le pouvoir, ils ont fini par s’imaginer qu’ils étaient des hommes indispensables. C’est ainsi qu’imperceptiblement s’est formée, au sein même des sections si franchement populaires des ouvriers en bâtiment, une sorte d’aristocratie gouvernementale. Nous allons montrer tout à l’heure quelles en furent les conséquences désastreuses pour l’organisation de l’Association Internationale à Genève.

Est-il besoin de dire combien cet état de choses est fâcheux pour les sections elles-mêmes ? Il les réduit de plus en plus au néant ou à l’état d’êtres purement fictifs et qui n’ont plus d’existence que sur le papier. Avec l’autorité croissante des comités se sont naturellement développées l’indifférence et l’ignorance des sections dans toutes les questions autres que celles des grèves et du paiement des cotisations, paiement qui d’ailleurs s’effectue avec des difficultés toujours plus grandes et d’une manière très peu régulière. C’est une conséquence naturelle de l’apathie intellectuelle et morale des sections, et cette apathie à son tour est le résultat tout aussi nécessaire de la subordination automatique à