Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Huit à neuf mois passés ensemble, il n’en fallait pas tant pour connaître à fond ce monsieur. Le résultat de cette mutuelle connaissance fut de ma part un dégoût profond, et de la sienne une haine inextinguible.

|104 Jouk m’avait alors proposé de fonder un journal russe. Le mari de Mme Levachof avait donné pour cet objet mille roubles à Jouk. Mais Mme Levachof, qui s’était prise d’une passion furieuse pour Outine, voulut absolument que celui-ci prît part à cette rédaction. Il y avait incompatibilité absolue, non d’idées, car à proprement parler Outine n’en avait aucune, et il disait que nous devions accepter les principes que la jeunesse russe trouverait bon de nous infuser, — il y avait incompatibilité absolue d’humeur, de tempérament, de but. Nous voulions la chose, Outine ne cherchait que lui-même. Je m’opposai donc longtemps à toute alliance avec Outine. De guerre lasse, je cédai ; et, après une courte épreuve, comme l’argent était proprement à Mme Levachof, j’abandonnai à Outine le journal avec son titre[1]. — Je ne finirais jamais si je devais raconter toutes les misérables et sales intrigues d’Outine.

Avant d’être entré dans l’Association Internationale, j’étais international. Outine, au contraire, se posait comme un patriote exclusivement national,

  1. Ce journal s’appelait Narodnoé Diélo (La Cause du Peuple). Bakounine n’a collaboré qu’au premier numéro, paru le 1er septembre 1868.