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férence de théories, et ils ne s’apercevaient pas de l’abîme qui nous séparait en pratique. Ils ne tenaient aucun compte de l’ambition ni des intérêts des meneurs de la coterie genevoise, ni de l’alliance étroite qui s’était déjà établie entre les bourgeois radicaux et les ouvriers-bourgeois de Genève, ni enfin de l’antique et puissante organisation des sections de la Fabrique fondues complètement dans le moule étroit du patriotisme et de la vanité genevoise.

Infatués de publicité, comme je l’ai déjà dit plus haut, dédaignant la propagande individuelle qui répugnait peut-être à leur intelligence doctrinaire et légèrement dédaigneuse, comme uniques instruments d’action ils employèrent le journal et les assemblées générales qui devaient se réunir une fois par semaine au Temple-Unique. J’allais oublier les médailles et les feuilles volantes[1].

|93 Ces armes en mains, ils ouvrirent leur nouvelle campagne, qui s’annonça d’abord sous des auspices extrêmement favorables. La Fabrique, heureuse de s’être défaite de moi, leur sourit. À un « change banal »[2], festin de réconciliation fraternelle, les deux partis opposés s’étaient rencontrés.

  1. Robin avait imaginé de faire fabriquer des médailles de propagande dites « de l’Internationale », qui, frappées en aluminium, pourraient être vendues à un prix infime ; il avait fait aussi imprimer des petites proclamations, gommées au verso, « papillons » de propagande destinés à être collés partout.
  2. On appelait « change banal », à Genève, une agape dans laquelle on buvait et mangeait en commun. Le change banal dont parle Bakounine eut lieu au Temple-Unique le 27 novembre 1869.