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les principes professés par l’Internationale ? Dirai-je à l’homme que le monde aime et honore à bon droit : Comment le monopole pourrait-il être ôté de la propriété, puisque le monopole est le corrélatif nécessaire de la concurrence ? ou me mettrai-je à lui démontrer que tant que dureront les institutions qui régissent actuellement la société, les impôts pèseront toujours sur ce qui est nécessaire à la vie ? que tant que les théories de l’Internationale ne seront pas la base fondamentale de toute l’existence civile, la substitution du système de l’association volontaire au système du salariat sera toujours une impossibilité absolue ?

Maître ! pourquoi, après quarante années de douleurs indicibles, d’actions magnanimes, de constance indomptée, vous enrôlez-vous parmi les ennemis de ceux qui ont appris de vous à aimer la patrie et l’humanité ; parmi les ennemis de ceux qui ont bravé intrépidement, à votre appel, le canon et la potence ? Pourquoi, après quarante années d’un apostolat sans exemple, entre la vie et la perspective d’une gloire qui durera tant que l’homme sentira battre son cœur pour les entreprises magnanimes, cherchez-vous à vous démentir vous-même[1], et faites-vous que votre bannière tombe,

  1. Voici comment G. Mazzini enseignait en 1852 les théories du socialisme :
    « La grande pensée sociale qui bouillonne aujourd’hui en Europe peut se définir ainsi : abolition du prolétariat ; émancipation des travailleurs de la tyrannie du capital concentré entre les mains d’un petit nombre d’individus ; répartition des produits, ou de la valeur qu’ils représentent, à proportion du travail accompli ; éducation morale et intellectuelle des ouvriers, association volontaire entre les ouvriers substituée pacifiquement, progressivement, autant qu’il est possible, au travail individuel salarié selon la volonté arbitraire du capitaliste. Voilà le résumé de toutes les aspirations raisonnables actuelles. Il ne s’agit pas de détruire, d’abolir, de transférer violemment la richesse d’une classe à une autre ; il s’agit d’élargir le cercle de la consommation, d’augmenter par conséquent les produits, de faire la part plus large, dans la répartition, à ceux qui produisent ; d’ouvrir une large voie au travailleur ; pour qu’il puisse acquérir richesse et propriété, de faire que tout homme qui donnera des garanties de volonté, de capacité, de moralité, trouve des capitaux et le moyen de travailler librement. Ces idées-là sont justes, et peu à peu elles triompheront. Historiquement, les temps sont mûrs pour leur triomphe. À l’émancipation de l’esclave succéda celle du serf, et celle du prolétariat doit venir ensuite. Le progrès de l’esprit humain a renversé, au moyen du patriciat, le despotisme de la monarchie ; au moyen de la bourgeoisie, de l’aristocratie financière, il a renversé le privilège de la noblesse du sang ; et il renversera, au moyen du peuple, de la masse qui travaille, le privilège de la bourgeoisie propriétaire et capitaliste, jusqu’au jour où la science, fondée sur le travail, ne reconnaîtra plus d’autre privilège que celui de l’intelligence vertueuse, appelée à diriger, par le choix du peuple que l’éducation aura éclairé, le développement des facultés et des forces sociales. » (Note de l’original.)