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contraire les théories idéales ne trouvent leur réalisation possible que dans le plus crasse matérialisme pratique.

Hier, sous nos yeux, où se sont trouvés les matérialistes, les athées ? Dans la Commune de Paris. Et les idéalistes, les croyeurs en Dieu ? Dans l’Assemblée nationale de Versailles. Qu’ont voulu les hommes de Paris ? Par l’émancipation du travail, l’émancipation définitive de l’humanité. Et que veut maintenant l’Assemblée triomphante de Versailles ? Sa dégradation finale sous le double joug du pouvoir spirituel et temporel. Les matérialistes, pleins de foi et méprisant les souffrances, les dangers et la mort, veulent marcher en avant, parce qu’ils voient briller devant eux le triomphe de l’humanité ; et les idéalistes, hors d’haleine, ne voyant plus rien que des spectres rouges, veulent à toute force la repousser dans la fange d’où elle a tant de peine à sortir. Qu’on compare et qu’on juge !

Mazzini prétend et assure, avec ce ton doctrinaire et impératif qui est propre à tous les fondateurs de religions nouvelles, que les matérialistes sont incapables d’aimer et de vouer leur existence au service des grandes choses. En disant cela, il prouve seulement que, idéaliste conséquent et contempteur de l’humanité, au nom de son Dieu, dont il se croit très sérieusement le prophète, il n’a jamais rien compris à la nature humaine, ni aux développements historiques de la société, et que, s’il n’ignore point l’histoire, il la mésentend d’une manière singulière.