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qu’eux-mêmes ? Au fond, rien de plus logique ni de plus naturel que ce fait. Tout développement, n’est-ce pas, implique en quelque sorte la négation du point de départ ; eh bien, les théoriciens matérialistes partent de la conception de la matière pour arriver à quoi ? à l’idée ; tandis que les idéalistes, partant de l’idée pure, absolue, et répétant toujours de nouveau l’antique mythe du péché originel, qui n’est que l’expression symbolique de leur mélancolique destinée, retombent éternellement, tant en théorie qu’en pratique, dans la matière dont ils ne parviennent jamais à se dépêtrer, et dans quelle matière ! brutale, ignoble, stupide, créée par leur propre imagination, comme l’alter Ego ou comme le reflet de leur Moi idéal.

De même, les matérialistes, conformant toujours leurs théories sociales aux réels développements de l’histoire, considèrent la bestialité, l’anthropophagie, l’esclavage, comme les premiers points de départ du mouvement progressif de la société ; mais que cherchent-ils, que veulent-ils ? L’émancipation et l’humanisation complète de la société ; tandis que les idéalistes, qui prennent pour bases de leurs spéculations l’âme immortelle et le libre arbitre, aboutissent fatalement au culte de l’ordre public comme Thiers et à celui de l’autorité comme Mazzini, c’est-à-dire à la consécration et à l’organisation d’un éternel esclavage. D’où il résulte, d’une manière évidente, que le matérialisme théorique a pour conséquence nécessaire l’idéalisme pratique, et qu’au