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venant des réalités humaines et terrestres perdront nécessairement leur caractère mystique et divin.

En nous appelant des matérialistes, vous croyez avoir tout dit. Il vous semble que vous nous ayez définitivement condamnés, écrasés. Et savez-vous d’où vous vient cette erreur ? C’est que ce que nous appelons matière, vous et nous, sont deux choses, deux conceptions absolument différentes. Votre matière à vous est un Être fictif, comme votre Dieu, comme votre Satan, comme votre âme immortelle. Votre matière, c’est l’infime grossièreté, l’inerte brutalité, un être impossible, comme est impossible l’esprit pur, immatériel, absolu, et qui, comme lui, n’a jamais existé que dans la fantaisie spéculative des théologiens et des métaphysiciens, ces uniques créateurs de l’une et de l’autre. L’histoire de la philosophie nous a dévoilé maintenant le procédé, d’ailleurs très simple, de cette création inconsciente, la genèse de cette fatale illusion historique, qui, pendant une longue série de siècles, a pesé comme un cauchemar horrible sur l’esprit écrasé des générations humaines.

Les premiers penseurs, qui furent nécessairement des théologiens et des métaphysiciens, parce que l’esprit humain est ainsi fait qu’il commence toujours par beaucoup de sottises, par le mensonge, par l’erreur, pour arriver à une parcelle de vérité, ce qui ne recommande pas beaucoup les saintes traditions du passé ; les premiers penseurs, dis-je, ont pris à l’ensemble des êtres réels dont ils eurent con-