Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

justice populaire, avaient jeté toute une classe déchue, jadis si intelligente et si héroïque, aujourd’hui si stupide et si lâche, dans les bras de la dictature de Napoléon III. Et ils en ont eu, de la dictature militaire, pendant dix-huit ans de suite. Il ne faut pas croire que messieurs les bourgeois s’en soient trop mal trouvés. Ceux d’entre eux qui voulurent faire les mutins et jouer au libéralisme d’une manière trop bruyante et par trop incommode pour le régime impérial, furent naturellement écartés, comprimés. Mais tous les autres, ceux qui, laissant les balivernes politiques au peuple, s’appliquèrent exclusivement, sérieusement, à la grande affaire de la bourgeoisie, à l’exploitation du peuple, furent puissamment protégés et encouragés. On leur donna même, pour sauver leur honneur, toutes les apparences de la liberté. N’existait-il pas sous l’Empire une assemblée législative élue régulièrement par le suffrage universel ? Tout alla donc bien selon les vœux de la bourgeoisie. Il n’y eut qu’un point noir. C’était l’ambition conquérante du souverain, qui entraînait la France forcément dans des dépenses ruineuses et finit par anéantir son |23 antique puissance. Mais ce point noir n’était pas un accident, c’était une nécessité du système. Un régime despotique, absolu, alors même qu’il a les apparences de la liberté, doit nécessairement s’appuyer sur une puissante armée, et toute grande armée permanente rend tôt ou tard la guerre extérieure nécessaire, parce que la hiérarchie militaire