Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voyons maintenant les transformations qui se sont effectuées dans la classe féodale, dans la noblesse, après la Réforme. Elle était demeurée la propriétaire privilégiée et à peu près exclusive de la terre, mais elle avait perdu toute son indépendance politique. Avant la Réforme elle avait été, comme l’Église, la rivale et l’ennemie de l’État. Après cette révolution elle en devint la servante, comme l’Église, et, comme elle, une servante privilégiée. Toutes les fonctions militaires et civiles de l’État, à l’exception des moins importantes, furent occupées par des nobles. Les cours des grands et même des plus petits |5 monarque de l’Europe en furent remplies. Les plus grands seigneurs féodaux, jadis si indépendants et si fiers, devinrent les valets titrés des souverains. Ils perdirent bien leur fierté et leur indépendance, mais ils conservèrent toute leur arrogance. On peut même dire qu’elle s’accrut, l’arrogance étant le vice privilégié des laquais. Bas, rampants, serviles en présence du souverain, ils n’en devinrent que plus insolents vis-à-vis des bourgeois et du peuple, qu’ils continuèrent de piller non plus en leur propre nom et de par le droit divin, mais avec la permission et au service de leurs maîtres, et sous le prétexte du plus grand bien de l’État.

Ce caractère et cette situation particulière de la noblesse se sont presque intégralement conservés, même de nos jours, en Allemagne, pays étrange et qui semble avoir le privilège de rêver les choses les