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de Petropavlovsk à Saint-Pétersbourg, lorsqu’il y eut un meeting à Londres dans lequel des Juifs allemands émigrés prétendirent que je n’étais pas du tout incarcéré, ni privé aucunement de ma liberté ; que je jouissais au contraire, sous la protection du gouvernement russe, dont j’étais le favori bien-aimé, de tous les plaisirs possibles.

En 1861, lorsque, après huit ans de forteresse et quatre ans de Sibérie, je parvins à m’échapper de cette dernière, par l’Amour, — le fleuve, non le dieu, — le Japon, l’Océan Pacifique, la Californie, l’isthme de Panama, New-York, et que je vins en décembre à Londres, je fus salué par une série d’articles dans un petit journal anglais, écrits ou inspirés, comme je l’ai su plus tard de source certaine, par ces mêmes Juifs allemands. Dans ces articles, on osa dire que je n’avais pu m’enfuir qu’avec l’aide du gouvernement russe ; et qu’en me créant la position d’émigré russe et de martyr de la liberté, ce gouvernement m’avait rendu plus capable encore de lui rendre des services, c’est-à-dire de faire le métier d’espion pour son compte.

Lorsque j’eus répondu, dans un autre journal anglais, à l’auteur anonyme de ces articles, que je riposterais à ces infamies non la plume à la main, mais |10 avec ma main sans plume, ce monsieur inconnu, en s’excusant, prétendit qu’il n’avait pas voulu dire du tout que je fusse un espion payé ; mais que j’étais un patriote de l’Empire tellement dévoué que j’avais volontairement encouru les tortures de