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l’existence même du peuple allemand est incompatible avec celle de la justice et de la liberté dans le monde ! — Mais, dira-t-on, le peuple français et le peuple allemand sont des peuples civilisés, tandis que les Russes ne sont qu’un peuple barbare. — Soit ; mais l’esclave civilisé qui devient un instrument entre les mains des despotes n’est-il pas mille fois pire que l’esclave barbare ? Ce dernier laisse encore espérer qu’en se civilisant il pourra conquérir la liberté. Mais que peut-on espérer du premier ?

Le peuple russe, dit-on, est un danger permanent pour la civilisation et pour l’indépendance de l’Europe. Impatient et sauvage, il n’attend que l’heure propice où il pourra fondre sur elle pour la dévaster et pour la conquérir. C’est encore un mensonge, qui dénote, sinon beaucoup de mauvaise foi, du moins une grande ignorance, et probablement l’une et l’autre en même temps. J’ai prouvé, l’histoire et la statistique à la main, que jamais les peuples russes ne se sont portés de leur mouvement propre vers l’Occident, — chose, par exemple, que les peuples allemands ne pourraient pas dire d’eux-mêmes par rapport à l’Orient, car toute la Prusse, une partie du royaume de Saxe, et la plus grande partie de l’Empire d’Autriche, ne se sont formées, comme on sait, que par l’envahissement des races slave et italienne par la race allemande.

Mais les Russes ont conquis et asservi la Pologne ? — Et qui les y a appelés ? N’étaient-ce pas les Prussiens et les Autrichiens ? Le roi philosophe