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ménagé, l’ai-je même loué, en l’appelant géant[1] ? Pour deux raisons, Herzen. La première, c’est la justice. Laissant de côté toutes les vilenies qu’il a vomies contre nous, nous ne saurions méconnaître, moi du moins, les immenses services rendus par lui à la cause du socialisme, qu’il sert avec intelligence, énergie et sincérité depuis près de vingt-cinq ans, en quoi il nous a indubitablement tous surpassés. Il a été l’un des premiers fondateurs, et assurément le principal, de l’Internationale, et c’est là, à mes yeux, un mérite énorme, que je reconnaîtrai toujours, quoi qu’il ait fait contre nous.

« La deuxième raison, c’est une politique et une tactique que je crois très juste. Je sais qu’à tes yeux je ne suis qu’un politique médiocre. Ne va pas croire que mes paroles soient dictées par l’amour-propre, si je te dis que tu te trompes de beaucoup. Car tu me juges d’après mes actes dans la société civilisée, dans le monde bourgeois, où, en effet, j’agis sans me préoccuper de la tactique et sans la moindre réserve, sans façon, avec une franchise injurieuse et brutale. Et sais-tu pourquoi j’agis ainsi dans cette société ? C’est parce que je n’en fais aucun cas, parce que je ne reconnais pas en elle une force productive et progressive… Mais tu te méprendrais fort si, de ce fait, tu allais conclure que je manque de calcul dans ma conduite en face du monde ouvrier, l’unique monde dans lequel j’aie foi en Occident… Mon attitude envers Marx, qui ne peut pas me souffrir et n’aime personne que lui-même et peut-être ses proches, ma

  1. Parlant de Marx et de Lassalle, Bakounine a écrit : « Mais à côté de ces deux Juifs géants, il y avait et il y a une foule de Juifs pygmées ». Voir plus loin, p. 144.