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isolé ne peut produire beaucoup au delà de ce qu’il consomme. Nous défions un ouvrier sérieux, c’est-à-dire un ouvrier ne jouissant d’aucun privilège, de gagner des dizaines, des centaines de mille francs, des millions ! Cela lui serait tout bonnement impossible. Donc s’il y a dans la société actuelle des individus qui gagnent de si grandes sommes, ce n’est point par leur travail, c’est grâce à leur privilège, c’est grâce à une injustice juridiquement légalisée, qu’ils les gagnent ; et comme tout ce qu’on ne prend pas sur son propre travail est nécessairement pris sur le travail d’autrui, nous avons le droit de dire que tous ces gains sont des vols commis par des individus privilégiés sur le travail collectif, avec la sanction et sous la protection de l’État.

Passons outre.

Le voleur protégé par la loi meurt. Il laisse par testament ou sans testament ses terres ou ses capitaux à ses enfants ou à ses parents. C’est, dit-on, une conséquence nécessaire de sa liberté et de son droit individuels ; sa volonté doit être respectée.

Mais un homme mort est bien mort ; en dehors de l’existence toute morale et toute sentimentale que lui font les pieux souvenirs de ses enfants, parents et amis, s’il les a mérités, ou la reconnaissance publique, s’il a rendu quelque réel service au public, il n’existe plus du tout ; il ne peut donc avoir ni liberté, ni droit, ni volonté personnelle. Les fantômes ne doivent pas gouverner et opprimer le monde, qui n’appartient qu’aux vivants.