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nécessairement impuissante en présence de la volonté divine. Qu’en résulte-t-il ? C’est qu’en voulant défendre la liberté métaphysique abstraite ou fictive de l’homme, le libre arbitre, on est forcé de nier sa liberté réelle. En présence de la toute-puissance et de l’omniprésence divines, l’homme est esclave. La liberté de l’homme en général étant détruite par la providence divine, il ne reste plus que le privilège, c’est-à-dire les droits spéciaux accordés par la grâce divine à tel individu, à telle hiérarchie[1], à telle dynastie, à telle classe.

De même, la Providence divine rend toute science impossible, ce qui veut dire qu’elle est tout simplement la négation de la raison humaine, ou bien que, pour la reconnaître, il faut renoncer à son propre bon sens. Du moment que le monde est gouverné par la volonté divine, il ne faut plus y chercher l’enchaînement naturel des faits, mais une série de manifestations de cette volonté suprême, dont, comme dit la Sainte Ecriture, les décrets sont et doivent rester toujours impénétrables pour la raison humaine, sous peine de perdre leur caractère divin. La divine Providence n’est pas seulement la négation de toute logique humaine, mais encore de la logique en général, car toute logique implique une nécessité naturelle, et cette nécessité serait contraire à la liberté divine ; c’est, au point de vue humain, le triomphe du non-sens. Ceux qui veulent croire doi-

  1. Bakounine paraît prendre ici le mot hiérarchie dans son acception étymologique, « gouvernement sacerdotal ».