Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’abord, et ensuite aussi pour les hommes qui se sont voués exclusivement aux travaux de l’intelligence ; car ces hommes-là ne travaillent pas seulement pour eux-mêmes : leurs découvertes scientifiques, outre qu’elles élargissent l’esprit humain, n’améliorent-elles pas la condition de tous les êtres humains sans aucune exception, en s’appliquant à l’industrie et à l’agriculture et, en général, à la vie politique et sociale ? Leurs créations artistiques n’ennoblissent-elles pas la vie de tout le monde ?

Mais non, pas du tout. Et le plus grand reproche que nous ayons à adresser à la science et aux arts, c’est précisément de ne répandre leurs bienfaits et de n’exercer leur influence que sur une portion très minime de la société, à l’exclusion, et par conséquent aussi au détriment, de l’immense majorité. On peut dire aujourd’hui des progrès de la science et des arts ce qu’on a dit déjà avec tant de raison du développement prodigieux de l’industrie, du commerce, du crédit, de la richesse sociale en un mot, dans les pays les plus civilisés du monde moderne. Cette richesse est tout exclusive, et tend chaque jour à le devenir davantage, en se concentrant entre un nombre de mains toujours plus petit, et en rejetant les couches inférieures de la classe moyenne, la petite bourgeoisie, dans le prolétariat, de sorte que le développement de cette richesse est en raison directe de la misère croissante des masses ouvrières. D’où il résulte que l’abîme qui sépare la minorité heureuse et privilégiée des millions de travailleurs