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reuse, s’il ne poursuivait en même temps un but diamétralement opposé et qui nous paraît excessivement immoral : celui de faire pénétrer dans les classes ouvrières les théories bourgeoises.

Le socialisme bourgeois, comme une sorte d’être hybride, s’est placé entre deux mondes désormais irréconciliables : le monde bourgeois et le monde ouvrier ; et son action équivoque et délétère accélère, il est vrai, d’un côté, la mort de la bourgeoisie, mais en même temps, de l’autre, elle corrompt à sa naissance le prolétariat. Elle le corrompt doublement : d’abord en diminuant et en dénaturant son principe, son programme ; ensuite, en lui faisant concevoir des espérances impossibles, accompagnées d’une foi ridicule dans la prochaine conversion des bourgeois, et en s’efforçant de l’attirer par là même, pour l’y faire jouer le rôle d’instrument, dans la politique bourgeoise.

Quant au principe qu’il professe, le socialisme bourgeois se trouve dans une position aussi embarrassante que ridicule : trop large ou trop dépravé pour s’en tenir à un seul principe bien déterminé, il prétend en épouser deux à la fois, deux principes dont l’un exclut absolument l’autre, et il a la prétention singulière de les réconcilier. Par exemple, il veut conserver aux bourgeois la propriété individuelle du capital et de la terre, et il annonce en même temps la résolution généreuse d’assurer le bien-être du travailleur. Il lui promet même davantage : la jouissance intégrale des fruits de son tra-