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gens noyés dans la nullité et indifférents pour tout ce qui n’est pas l’amusement trivial d’aujourd’hui ou l’emploi lucratif de demain. Ceux-là ignorent jusqu’à l’existence même de la Ligue de la paix et de la liberté.

Lorsque Lincoln fut élu président des États-Unis, le feu colonel Douglas, qui était alors l’un des principaux chefs du parti vaincu, s’était écrié : « Notre parti est perdu, la jeunesse n’est plus avec nous ! » Eh bien, cette pauvre Ligue n’a jamais eu de jeunesse, elle est née vieille, et elle mourra sans avoir vécu.

Ce sera également le sort de tout le parti de la bourgeoisie radicale en Europe. Son existence n’a jamais été qu’un beau rêve. Il a rêvé pendant la Restauration et la monarchie de Juillet. En 1848, s’étant montré incapable de constituer quelque chose de réel, il a fait une chute déplorable, et le sentiment de son incapacité et de son impuissance l’a poussé jusque dans la réaction. Après 1848, il a eu le malheur de se survivre. Il rêve encore ! Mais ce n’est plus un rêve d’avenir, c’est le rêve rétrospectif d’un vieillard qui n’a jamais réellement vécu ; et, tandis qu’il s’obstine à rêver lourdement, il sent autour de lui le monde nouveau qui s’agite, la puissance de l’avenir qui naît. C’est la puissance et le monde des travailleurs.

Le bruit qu’ils font l’a enfin réveillé à moitié. Après les avoir longtemps méconnus, reniés, il est enfin arrivé à reconnaître la force réelle qui est en