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On peut dire sans exagération que tout jeune homme qui sort de l’université, imbu de ces sciences ou plutôt de ces mensonges et de ces demi-mensonges systématisés qui s’arrogent le nom de science, à moins que des circonstances extraordinaires ne viennent le sauver, est perdu. Les professeurs, ces prêtres modernes de la fourberie politique et sociale patentée, lui ont inoculé un poison tellement corrosif, qu’il faut vraiment des miracles pour le guérir. Il sort de l’université un doctrinaire achevé, plein de respect pour lui-même et de mépris pour la canaille populaire, qu’il ne demande pas mieux que d’opprimer, et d’exploiter surtout, au nom de sa supériorité intellectuelle et morale. Alors, plus il est jeune, et plus il est malfaisant et odieux.

Il en est autrement de la faculté des sciences exactes et naturelles. Voilà les vraies sciences ! Étrangères à la théologie et à la métaphysique, elles sont hostiles à toutes les fictions et se fondent exclusivement sur la connaissance exacte et sur l’analyse consciencieuse des faits, et sur le raisonnement pur, c’est-à-dire sur le bon sens de chacun, élargi par l’expérience bien combinée de tout le monde. Autant les sciences idéales sont autoritaires et aristocratiques, autant les sciences naturelles sont démocratiques et largement libérales. Aussi, que voyons-nous ? tandis que les jeunes gens qui étudient les sciences idéales se jettent avec passion, presque tous, dans le parti du doctrinarisme exploiteur et réactionnaire, les jeunes gens qui étudient les sciences