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« Enfin, n’en parlons plus. Ma conscience me dit que j’ai rempli mon devoir jusqu’au bout. Mes amis de Lyon le savent aussi, — et je dédaigne le reste.

|5 « Maintenant, cher ami, je passe à une question toute personnelle. Tu sais qu’hier[1] j’avais été arrêté à l’hôtel de ville par un monsieur fort laid habillé en civil, qui m’avait fait empoigner par des gardes nationaux de compagnies bourgeoises, je ne saurais dire au juste lesquelles. Le fait est que ces Messieurs ont fouillé toutes mes poches avec un aplomb et une habileté qui m’ont prouvé qu’ils ne sont pas étrangers au métier. L’un d’eux a répondu à un autre, qui lui recommandait de me bien fouiller : « Ne crains rien, je connais mon métier ». C’était probablement un sergent de ville impérial déguisé en garde national de la république. Les uns m’ont brutalisé de toutes les manières, me bousculant, me poussant, me pinçant, me tordant les bras et les mains ; je dois pourtant reconnaître que d’autres criaient : « Ne lui faites point de mal ! » Enfin Messieurs les bourgeois se sont montrés ce qu’ils sont toujours et partout : brutaux et lâches — car tu n’ignores pas que j’ai été délivré par quelques francs-tireurs qui avaient |6 mis en fuite un nombre triple ou même quadruple de ces héroïques boutiquiers armés de leurs chassepots. J’ai été délivré. Mais de tous les objets qui m’avaient été dérobés par ces Messieurs, je n’ai pu retrouver que mon revolver. Mon carnet et ma bourse qui contenait cent soixante-cinq francs et quelques sous sont sans doute restés entre les mains de ces Messieurs. Les bourgeois

  1. Après le mot « hier », le brouillon porte les mots « vers trois heures à peu près », qui ont été biffés ensuite. — J. G.