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de cette exploitation. Mais dans les masses, qui ont été éternellement asservies, gouvernées, exploitées, qu’est-ce qui peut constituer la conscience politique ? Ce ne peut être assurément qu’une seule chose, la sainte révolte, cette mère de toute liberté, la tradition de la révolte, l’art coutumier d’organiser et de faire triompher la révolte, ces conditions historiques essentielles de toute pratique réelle de la liberté.

Nous voyons donc que ces deux mots, conscience politique, dès leur origine même, et à travers tout le développement de l’histoire, ont deux sens absolument différents, opposés, selon les deux points de vue également opposés auxquels on se plaît de les envisager. Du point de vue des classes privilégiées, ils signifient conquête, asservissement, et organisation telle quelle de l’État en vue de l’exploitation des masses asservies et conquises. Du point de vue des masses, au contraire, ils signifient révolte contre l’État, et, dans leur dernière conséquence, destruction de l’État. Deux |39 choses, comme on voit, tellement différentes qu’elles sont diamétralement opposées.

Maintenant on peut affirmer avec une certitude absolue qu’il n’y a jamais eu de peuple sur la terre, quelque abâtardi ou quelque maltraité qu’il ait été par la nature, qui n’ait ressenti, au moins à l’origine de son asservissement, quelque velléité de révolte. La révolte, c’est un instinct de la vie ; le ver même se révolte contre le pied qui l’écrase, et l’on peut dire en général que l’énergie vitale et la dignité compa-